Docteur Pierre Anatole MATUSILA, Septuagénaire, fut un Membre élu et Porte-Parole de la Société Civile/ Forces Vives au Dialogue Intercongolais : une référence de premier choix ayant pris une part des plus actives à Toutes les rencontres dans le cadre des négociations politiques.
A ce titre, l’une des rares personnalités Marquantes de la République Démocratique du Congo, ayant concouru à côté d’autres tout aussi emblématiques à la matérialisation de « La Conférence Internationale sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le Développement dans la Sous-région des Grands Lacs ».
L’ancien Ministre à « l’Energie et Ressources Hydrauliques » du Gouvernement Samy Badibanga ; Député provincial élu de la circonscription électorale de Madimba dans l’ex District de la Lukaya et Président Honoraire de l’Assemblée Provinciale du Kongo Central de la dernière Législature ci-devant Président Général de L’Alliance des Bâtisseurs du Kongo, ABAKO en sigle traîne une riche expérience et une expertise avérée lorsqu’il s’agit des questions relatives à la situation à l’Est de la République Démocratique du Congo.
Qu’atteste une production d’ouvrages de référence. Notamment :
-De Gaborone à Addis-Abeba : Restitution aux Forces Vives de la Nation (Publié par le RO.D.H.E.C.I.C.)
-Regard sur le dialogue intercongolais de Sun City : Trois Perspectives (Publié par le RO.D.H.E.C.I.C.)
-Dialogue Intercongolais : De Sun City I à Sun City II- PRETORIA : ETAPE DECISIVE
C’est en fin connaisseur qu’il s’interroge et se livre à cette énième réflexion, non sans quelques pistes innovantes: « GUERRE A L’EST DE LA RDC : QUELLE STRATEGIE ET QUELLE TACTIQUE FACE A L’ADVERSAIRE ?
Guerre à l’Est de la RDC: Quelle stratégie et quelle tactique face à l’adversaire ?
(Une réflexion de l’Honorable Pierre Anatole MATUSILA MALENGENI NE KONGO, Président Général de l’ABAKO)
Depuis plus d’une décennie, l’Est de la République démocratique du Congo, notre pays, fait face à la rébellion des « M-23 », visiblement soutenus par son voisin le Rwanda, causant des milliers des morts et des déplacés. Des actions politiques, militaires voire diplomatiques ont été menées pour y mettre fin et, ainsi, assurer la sécurité de cette partie du pays. Rien, ou presque rien n’a changé. Les attaques rebelles, repoussées régulièrement par les Forces armées congolaises, s’intensifient au jour le jour, causant morts et désolation dans plusieurs familles. Chaque jour qui passe, l’actualité tant nationale qu’internationale en parle : cela est presque devenu un refrain funeste. « Que faire ? Quoi faire ? » Ne cessons-nous de nous interroger. C’est en tentant de répondre à ces deux questions qu’intervient notre modeste réflexion.
1. Stratégie et tactique
Tout le monde le sait : la République démocratique du Congo est victime d’agression de la part des M-23, une nébuleuse dans laquelle se trouvent plusieurs « factions militaires étrangères » difficiles à préciser les origines à l’exception du Rwanda politiquement, militairement et diplomatiquement accusé par les autorités de Kinshasa. Pour y mettre fin, à notre humble avis, la solution se trouve, dans deux mots-clés socle de notre réflexion,à savoir : la stratégie et la tactique.
Oui, tout le monde le sait : la stratégie et la tactique sont des termes militaires, qui se rapportent au combat, à la bataille, à la politique de défense d’une nation mais aussi à des manœuvres habiles pour atteindre la victoire ou le résultat voulu. La stratégie, c’est le plan général d’analyse de la situation, la tactique c’est le plan d’action.
Le maître mot de la stratégie, c’est l’expertise : la capacité d’analyser la situation dans laquelle on se trouve. Cela concerne la connaissance du terrain, de l’adversaire, de sa propre histoire, de l’environnement régional et international. La force de la stratégie réside dans l’information. Un stratège professionnel se donne les moyens (l’argent) de sa mission.
Le maître mot de la tactique, c’est l’anticipation. L’intelligence de se projeter dans l’avenir pour se préparer à toute éventualité. C’est la capacité de produire des idées, des scénarios possibles et inimaginables, à court, moyen et long terme pour que le moment venu on soit prêt à affronter les thèses de la partie adverse. Tous les spécialistes des Académies militaires ou des Ecoles de guerre le savent et le répètent dans leurs enseignements : on ne va pas au combat avec un seul plan d’action.
L’on doit savoir que, face à un adversaire, il y a trois attitudes possibles à adopter :
∙ L’ affronter
∙ Le contourner
∙ Faire de lui un allié.
Chaque option est lourde de conséquences et requiert une analyse méticuleusement rigoureuse pour élaborer une stratégie et une tactique conséquentes. Nous nous expliquons :
1.1. Affronter l’adversaire
La connaissance de l’adversaire est d’une importance primordiale pour mesurer les rapports de forces. SIM TSE, le célébrissime Général Chinois né en 500 avant Jésus Christ, l’a bien souligné : « Si vous vous connaissez et que vous connaissez votre adversaire, vous allez gagner la guerre sans bataille. Si vous vous connaissez et que vous ne connaissez pas votre adversaire, toute victoire que vous remporterez vous fera souffrir. Si vous ne vous connaissez pas et que vous ne connaisses pas votre adversaire, toute bataille que vous engagerez sera perdue. » Fin de citation.
Quelles sont les forces et faiblesses de l’adversaire? Les moyens matériels et financiers en sa disposition? S’agissant de son portrait psychologique ; est-il versatile ? Inconstant ? Comment se comportent les gens qui l’entourent ? Quels sont les partenaires locaux, régionaux ou internationaux qui l’accompagnent ?
Quels que soient les cas et les circonstances, il ne faut jamais sous-estimer l’adversaire. Ensuite, il faudra procéder à sa propre introspection pour se connaitre soi-même, c’est-à-dire faire une évaluation de sa propre capacité à engager le combat. Pour cela deux questions méritent d’être posées. Premièrement, quels sont vos atouts (vos forces), vos faiblesses, votre chance de gagner ou les opportunités qui pourraient contribuer à votre victoire ? La référence à l’histoire est un élément important dans ce processus. Deuxièmement, quel a été le comportement des acteurs qui vous ont précédé, face à la même situation ? L’histoire bégaie, dit-on. Celui qui ignore sa propre histoire est condamné à la répéter.
La guerre est un processus rationnel qui procède d’un calcul rigoureux pour atteindre un objectif précis. Ce n’est pas une opération qui dure éternellement. Quand une guerre devient longue et populaire, elle s’enlise et perd totalement son objectif le plus important qui est celui de servir les intérêts politiques de puissance et de sécurité.
1.2. Contourner l’adversaire
Il n’est pas possible de contourner un adversaire qui, plus, est votre voisin et avec qui vous partagez une frontière commune et une longue histoire. C’est le cas du Rwanda.
1.3. Faire de l’adversaire un allié
C’est l’un des objectifs poursuivis par la Conférence Internationale sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le Développement dans la Sous-région des Grands Lacs (CIRGL), à laquelle nous avons pris une part active comme délégué des forces vives, afin d’aboutir à des options de politique commune sur les questions sécuritaires et d’intégration économique sous régionale et d’offrir également un cadre permettant de s’attaquer sur plusieurs fronts aux facteurs tant endogènes qu’exogènes qui sont à la base des conflits dans l’ensemble de la Sous-région.
La Déclaration de Dar-es-Salaam, signée par tous les chefs d’Etats de la Région devrait aboutir au Pacte pour la Sécurité, la stabilité et le développement pour la Région des Grands Lacs et contribuer au retour de la paix et un développement harmonieux. Les nombreux mécanismes mis en place, notamment l’Accord-cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la Région, ainsi que le Processus de Nairobi et de Luanda devraient être activés afin d’aboutir rapidement à un cessez-le-feu pour mettre fin à cette crise humanitaire sans précédent et aux violations massives des droits humains.
Bien que ces accords soient remis en cause constamment par certains signataires, ils constituent néanmoins un résultat politique significatif en ce qu’il consacre la souveraineté de notre pays. Ils demeurent également la base des discussions sur le plan international et régional. Le statu quo consacrera malheureusement une partition consommée de notre pays.
L’Histoire est un bon enseignant. Elle nous rappelle que le passif du Rwanda en RDC est très lourd : les deux guerres de 1996 et 1998, le mépris, l’hostilité et les humiliations permanentes qui en découlent, les crises humanitaires, les violations massives des droits humains, les pillages systématiques des ressources naturelles etc. Il est évident que Kigali perçoit le Kivu comme un espace vital à contrôler et à conserver à tout prix.
L’objectif clairement affiché par les autorités politiques et militaires rwandaises est de plonger l’Est du pays dans un chaos généralisé pour justifier l’occupation de notre territoire. Cette posture reste inflexible malgré les condamnations de la communauté internationale. Cette tentative d’anéantissement des populations locales, par des massacres à grande échelle, a entrainé un réveil du sentiment nationaliste, ciment de cohésion nationale contre l’envahisseur. Ces violences, vécues comme des blessures profondes, demeureront longtemps comme des cicatrices indélébiles, et nécessiteront après retour complet de la paix, des mécanismes spéciaux pour guérir des traumatismes et des séquelles subis.
2. Congo terre d’affrontement économique
Le Congo, notre pays, a été conçu, depuis la Conférence de Berlin, comme un « no men’s land », c’est-à-dire comme une étendue de richesse sensée répondre aux besoins et intérêts étrangers, notamment ceux des puissances coloniales pendant la colonisation, ceux des deux blocs Est-Ouest pendant la Guerre froide et actuellement ceux d’une constellation des puissances Euro-américaines et africaines à travers notamment les sociétés multinationales.
Ce sont les rivalités entre ces puissances, pour avoir un accès libre et exclusif aux ressources naturelles rares et non exploitées de la planète, qui sont à la base des multiples conflits qui jalonnent l’histoire de ce pays. Ces multinationales procèdent par des déstabilisations successives notamment par l’imposition des sanctions économiques, des dirigeants politiques pour protéger leurs capitaux, des guerres par procuration des groupes armés nationaux, étrangers et certains Etats vassalisés et aussi par la conduite des dirigeants congolais, souvent instrumentalisés par ces puissances, d’une politique de prédation à leur propre profit et aux profit des intérêts étrangers.
C’est cela qui a renforcé l’idée que les Congolais seraient incapables de gérer leur propre pays et a empêché le développement d’une géopolitique nationale, c’est-à-dire la capacité à penser la gestion de l’Etat congolais à partir des aspirations des populations congolaises. Ces guerres répétitives et les divisions sociales qui en découlent ont fini par laminer complètement notre système immunitaire sur le plan spirituel, moral, politique, économique et social, et nous affaiblissent considérablement. Elles constituent le ressort qui profite aux prédateurs de tout bord qui pullulent dans notre pays.
3. Qui veut la paix, prépare la guerre
« Si vis pacem, para bellum » (Si tu veux la paix, prépare la guerre), avait prévenu l’écrivain romain Végèce dans son ouvrage intitulé Epitoma Rei Militaris (Épitomé de l’art militaire). Et ce syntagme devenu un adage populaire convient à la situation de notre pays dont l’histoire est caractérisée par la permanence des conflits.
Depuis des années, le peuple congolais a toujours mené le combat de sa souveraineté. Nous ne pouvons nous en sortir définitivement que par le déploiement d’une logique de puissance qui requiert la mise en place des catégories des forces centrales diverses (forces politiques, économiques, intellectuelles, stratégico-militaires, culturelles ou autres) permettant à l’Etat de jouir d’une certaine influence, d’assurer un réel rayonnement de ses intérêts par rapport à ceux d’autres Etats et de disposer d’un pouvoir de contrôle sur les conflits qui pourraient menacer sa stabilité. Cela implique pour l’Etat congolais qu’il mette en place un certain nombre des dispositifs, à savoir :
∙ Sur le plan de la politique interne,
1. consolidation des institutions démocratiques,
2. restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, 3. promotion d’une administration publique de développement,
4. respect des principes de bonne gouvernance, …
∙ Sur le plan économique,
Promotion de l’autonomie, c’est-à-dire la capacité de produire et de transformer des biens indispensables à la survie des populations. Cette autonomie implique le développement d’une capacité nationale d’investissements propres et la sélection des investissements étrangers.
∙ Sur le plan stratégico-militaire
Dans un pays dont l’indépendance et la souveraineté sont constamment en péril, le volet militaro stratégique est essentiel. Il devrait comporter :
1. l’élaboration d’une politique de défense nationale capable d’endiguer les prétentions expansionnistes et géostratégiques des pays voisins,
2. le réaménagement de la carte de défense du pays. Celle conçue à l’époque coloniale ne répond plus aux enjeux actuels.
3. la construction d’une vraie armée républicaine, professionnelle, disciplinée, très bien équipée, suffisamment dissuasive et capable de garantir l’indépendance et la souveraineté de l’Etat.
∙ Sur le plan intellectuel et techno-scientifique
Dans un pays où la raison semble avoir été envoyée en exil, il importe de comprendre que notre dérive actuelle tient essentiellement à un déficit d’organisation sociopolitique et à notre dénuement scientifico-technologique qui nous fragilise face à nos voisins et face à ceux qui produisent les biens indispensables à notre survie. Le chemin de la souveraineté, de la puissance et de la prospérité passe par :
1. la rationalisation de l’organisation sociopolitique,
2. la croissance économique qui implique la maîtrise des mécanismes de production des biens indispensables à notre survie,
3. la défense de notre souveraineté et liberté.
4. La recherche scientifique et technologique doit donc être promue, ambitieuse et soutenue.
∙ Si, sur le plan culturel, la République Démocratique du Congo jouit d’un certain rayonnement continental notamment en ce qui concerne les productions musicales, il importe que la diversité de ces productions soit promue et que des stratégies soient envisagées pour que ce rayonnement contribue réellement à la croissance de la puissance de l’Etat.
4. Conclusion
Nous voici à la fin de notre modeste réflexion. Au regard de ce qui précède, il importe, pour la RDC, d’œuvrer à l’émergence d’une communauté de sécurité avec les pays voisins, par la signature des traités de bon voisinage, de non-agression et de non interventions dans les affaires intérieures d’autres Etats. Celle-ci exige que les conflits qui peuvent survenir entre Etats soient résolus par le dialogue et le compromis, plutôt que par la force. Evidemment, les forces armées nationales doivent toujours être prêtes et capables de dissuader l’ennemi extérieur, de remplir leur mission de défendre l’intégrité territoriale et l’intangibilité des frontières et d’opposer aux assaillants qui violent nos frontières une riposte décisive.
En raison de sa situation géographique (elle partage des frontières avec 9 pays) et de ses potentialités économiques, la RDC devra jouer le rôle de pôle fédérateur de l’Afrique centrale, dans le développement intégré et solidaire à condition qu’elle s’affirme comme puissance régionale, en mettant en œuvre les structures de forces centrales évoquées ci-haut, pour consolider cette intégration politique, tant il est vrai que la politique étrangère est le prolongement à l’extérieure de la politique intérieure. Ainsi, au lieu d’être un théâtre de conflits, la RDC devrait devenir un pays d’où partent des initiatives de paix pour la Sous région. Notre diplomatie devrait avoir pour horizon la consolidation de la paix et la promotion du développement. Que cette modeste réflexion soit une source d’inspiration pour nos Autorités, gérantes du destin de notre beau pays.
Pierre Anatole MATUSILA MALUNGENI NE KONGO
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