Conférence à l’Université de Kinshasa par l’Association des Professeurs de l’Université de Kinshasa(APUKIN) sur le Thème :
« CONFLITS ARMES A L’EST DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO »
(Du 20 au 21 juin 2022)
KINSHASA, 2022
La validité juridique et internationale du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands Lacs (Inédit)
« L’intervenant est Docteur en Relations Internationales. Sa carrière académique a commencé à l’Université de Lubumbashi en 1982 et sera poursuivie à l’Université de Kinshasa au Département des Relations Internationales.
Nommé Ministre de l’Energie et des Hydrocarbures au Gouvernement dirigé par Laurent Désiré Kabila.
Après le Dialogue congolais de Sun City en Afrique du Sud, il fera partie du Parlement de Transition de 2003 à 2006 tout en occupant le poste de Coordonnateur National Adjoint au Comité de Suivi de la Conférence des Grands Lacs jusqu’en 2010.
Nommé Juge à la Cour Constitutionnelle en 2014, il démissionnera en 2018 pour s’occuper de ses enseignements à l’Université de Kinshasa et de ses recherches au Centre interdisciplinaire de Documentation en Sciences Sociales à l’Université de Kinshasa et au Centre congolais d’études stratégiques et relations internationales (CECERI) jusqu’à ce jour.
Auteur de nombreuses publications scientifiques de haut niveau, il vient de publier au CIEDOS de l’UNIKIN un important ouvrage en deux tomes sur Les estimations démographiques 2022 en RDC et le mode de scrutin proportionnel à la plus forte moyenne.
Il est aujourd’hui Professeur Emérite et Consultant sur des questions stratégiques auprès d’organismes internationaux et auprès des multiples Décisions-makers des Etats. »
Banyaku Luape Epotu
La mise en œuvre du pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands lacs est sortie d’une volonté de douze Membres de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs ( Angola, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, République d’Ouganda, République du Soudan, République de Zambie, République du Burundi, République du Congo, République de Kenya, République du Rwanda,, République Unie de Tanzanie, République du Sud Soudan).
A l’issue du dialogue inter-congolais organisé lors des rencontres de Lusaka I et II pour conclure le cessez-le-feu entre les belligérants du 10 et 29 juillet, de celle de Sun City en Afrique du Sud avec l’ »Accord Global et Inclusif » en avril 2003, les dialogues de Goma en RDC avec l’accord de paix de Goma, ceux de Kampala en Ouganda, le fond du conflit congolais restait à la fois militaire d’abord et politique ensuite.
Lors des accords de Lusaka I et II signés le 10 juillet et 29 juillet 1999 par l’Angola, la République démocratique du Congo, la Namibie, le Rwanda, l’Ouganda et le Zimbabwe, il était prévu un cessez-le-feu entre les belligérants et la création d’une nouvelle armée nationale à partir des trois forces rebelles RCD, MLC, RCD-Nyamwisi et les troupes gouvernementales.
Par contre les autres groupes armés seront traqués et désarmés par les troupes des nations Unies et les responsables de massacres et les criminels de guerre identifiés remis à la Cour Pénale Internationale. Il s’agit de groupes armés nommément désignés ; l’ex-FAR rwandaise, les « Allied Democratic Forces » (ADF), la « Lord’s Resistance Army » (LRA, Armée de résistance du Seigneur), le « West Nile Bank Front » (WNBF, Front de la rive occidentale du Nil), l’ « Uganda National Rescue Front II » (UNRF II), la « Former Ugandan National Army » (FUNA, Ancienne armée nationale ougandaise), les Forces de défense de la démocratie (FDD) du Burundi et l’Unita d’Angola.
Notons qu’il n’en fut pas le cas, c’est ainsi que les groupes armés internes ont gardé les groupes armés externes cités se sont constitués en base-arrières ou en réserves de recours à la déstabilisation de la RDC.
Après la signature de l’Accord de Sun City le 19 avril 2002, il fut décidé de mettre en place un gouvernement de transition qui mit fin à plus de quatre ans de conflit (2004-2009) et dix-neuf mois de négociations, préparant le terrain pour un gouvernement d’union nationale.
Il fut ainsi permis à l’ex-Président Kabila de partager le pouvoir avec quatre vice-présidents, dont deux issus de principaux groupes rebelles, un du gouvernement et un de l’opposition non armée pendant deux ans.
C’est dans ce contexte que fut préparé les élections générales de 2006 mais aussi la préparation d’un Traité de paix avec les Etats voisins ayant été impliqués directement ou indirectement dans ce grand conflit congolais à dimension régionale.
Concomitamment, il fut mis en place une organisation régionale dénommée la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs.
Après d’âpres négociations fut signé et ratifié le Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands Lacs à Nairobi le 15 décembre 2006. (Ndlr : C’est nous qui soulignons).
Ce Pacte fut précédé de la Déclaration de Dar-es-Salam réaffirmant que la Région des Grands Lacs sera érigée en zone spécifique de reconstruction et de développement avec la pleine participation de tous les peuples de la Région en partenariat avec les organisations de la société civile, de jeunes, de secteur privé en étroite coopération avec l’Union Africaine, les Nations Unies et la communauté internationale.
Conformément à l’article 22 dudit Pacte, il a été mis en place un Mécanisme Régional de Suivi qui avait pour mission de veiller aux principes et aux meilleures pratiques de complémentarité, de liens et son appropriation par les Etats Membres, en collaboration avec l’Union africaine, les Nations Unies et d’autres partenaires de la Communauté Internationale.
Au-delà des objectifs fixés dans l’article 2 donnant un cadre juridique aux relations entre les Etats Membres pour créer les conditions de sécurité, de stabilité et de développement durables entre eux, il fut adopté onze protocoles de coopération et quatre programmes d’action, un fond spécial pour la reconstruction et le développement, ainsi que de mécanismes nationaux et Régional de suivi du Pacte.
Au deuxième sommet de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs tenu à Nairobi, il fut adopté la Déclaration sur la mise en œuvre du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands lacs avant son entrée en vigueur.
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 4 dudit Pacte, il est stipulé que les Etats Membres s’engagent à fonder leurs relations sur le respect des principes de souveraineté nationale, d’intégrité territoriale, de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats Membres, de non-agression, de coopération et de règlement pacifique des différends.
Je présenterai succinctement les 10 protocoles d’accord et les 4 programmes d’action.
Il s’agit :
-du protocole sur la non-agression et la défense mutuelle dans la Région des Grands lacs, où il est consigné que si un Etat membre ne se conforme pas aux dispositions du présent protocole, un Sommet extraordinaire sera convoqué en vue d’examiner les mesures appropriées à prendre ;
-du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance ;
-du protocole sur la coopération judiciaire ;
-du protocole sur la prévention et la répression du crime de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité et de toute forme de discrimination ;
-du protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles ;
-du protocole sur la zone spécifique de construction et de développement particulièrement pour la création des bassins transfrontaliers et la mise en œuvre du fonds spécial pour la reconstruction et de développement des programmes d’action ;
-du protocole sur la prévention et la répression de la violence sexuelle à l’égard des femmes et des enfants ;
-du protocole sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées ;
-du protocole sur les droits à la propriété des rapatriés ;
-du protocole sur la gestion de l’information et de la communication pour la promotion de la liberté d’expression et des échanges des idées.
Les programmes d’action concernaient :
-l’engagement des Etats Membres à garantir la paix et la sécurité durable sur l’ensemble de la Région des Grands Lacs ;
-l’engagement des Etats Membres au respect des valeurs, des principes et des normes de la démocratie et de bonne gouvernance ;
-l’engagement des Etats Membres à promouvoir conjointement un espace prospère et intégré en vue d’améliorer le niveau de vie des populations ;
-l’engagement des Etats Membres à trouver des solutions durables pour garantir la protection et l’assistance aux populations affectées par les conflits sociopolitiques et environnementales dans la Région des grands lacs.
Comme dit plus haut, de 2004-2009, il fut mis fin formelle à la guerre du Kivu et la paix était revenue à l’Est du pays.
En mars 2009, le mouvement rebelle dénommé Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), appelé Mouvement du 23 Mars (M23) sous le commandement de l’ancien commandant CNDP Bosco Ntaganda, alias « le terminator » avait repris la mutinerie.
Le 4 avril 2012, il fut rapporté par un rapport de BBC que des rebelles avaient reçu du soutien des troupes rwandaises et le 6juillet 2012, le M23 a attaqué la ville de Bunagana, à moins d’un kilomètre de la frontière avec l’Ouganda et l’a conquise. Les rebelles annonçaient la fin de l’offensive, si le gouvernement acceptait d’engager des pourparlers de paix avec eux.
Le 24 novembre 2012, les dirigeants africains de la Région des grands Lacs se réunissaient à Kampala pour discuter et trouver des solutions au conflit.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé le 28 mars 2013 par la résolution 2098 la création d’une Brigade d’Intervention au sein de la MONUSCO chargée de « mener des opérations offensives ciblées » contre les groupes d’insurgés dans l’Est de République démocratique du Congo.
Cette Force d’Intervention (FIB) est entrée en action avec un effectif autorisé de 3069 casques bleus provenant d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi.
A partir du 1er août 2013, avec les forces congolaises régulières et la Brigade de l’ONU du Nord-Kivu, elle établit une zone de sécurité à Goma et dans les localités situées au nord de la ville et finit par défaire totalement le M23.
En effet, à partir du 25 octobre 2013, les forces congolaises appuyées par la Brigade d’intervention de l’ONU ont lancé une offensive avec des moyens lourds : plus 3 600 militaires congolais déployant des chars T-55 et des véhicules de combat d’infanterie BPM-2 et la brigade de la force d’intervention de la MONUSCO appuyé par de l’artillerie, des Mi-35 de l’armée ukrainienne, trois Denel AH-2 Rooivalk de la force aérienne sud-africaine (qui interviennent à partir du 4 novembre) lancent une offensive générale dans la zone de 700 km2 contrôlée par le M23.
Dans la nuit du 4 au 5 novembre 2013, l’armée congolaise avec la Brigade d’Intervention de Nations Unies sont parvenues à chasser les combattants du M23, au nombre de 400 à 450, de dernières positions qu’ils occupaient dans les montagnes du Nord-Kivu, à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Les pertes sont selon l’armée congolaise de 292 morts dans les rangs du M23.
Le 5 novembre, le M23 déclare qu’elle dépose les armes et deux jours plus tard, environ 1 600 membres du M23 se sont rendus aux autorités de l’Ouganda et certains autres se sont réfugiés au Rwanda.
Après l’échec de l’élaboration d’un premier document commun sur un accord début novembre, la RDC et le M23 signent le 12 décembre à Nairobi un accord de paix qui confirme la dissolution du M23, définit les modalités de la démobilisation et conditionne, à l’abandon de la violence, la reconnaissance des droits de ses membres.
Curieusement, c’est là que naquit l’idée de négocier à Addis-Abeba avec les rebelles du M23 sous l’initiative de l’ex-Président Kabila et du Président rwandais Kagame avec la complicité du Gouvernement Ethiopien, qui n’était pas pourtant membre de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs. (Ndlr : c’est nous qui soulignons).
Manifestement sur l’initiative de Kabila-Kagamé-Sassou Nguesso. (Ndlr : c’est nous qui soulignons).Ceux-ci étaient les seuls présidents membres du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement de la Région des Grands Lacs sous l’influence du Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-Moon et de la Présidente de la Commission de l’Union Africaine Nkosazana Dlamini Zuma.
Notons que les autres Etats membres signataires du Pacte de la CIRGL n’ont été représentés que par leurs délégués, un bon signe de réserve à cet Accord-cadre d’Addis-Abeba qui ressemblait à un complot contre la RDC. (Ndlr : c’est nous qui soulignons). L’objectif majeur était de repositionner la milice M23 défaite militairement aux négociations avec le Gouvernement congolais en dehors du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands Lacs.
Ce qui fut fait, parce qu’il y aura donc une doublure factieuse du Pacte ratifié sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands Lacs avec un Accord-cadre pour la Paix, la Sécurité et la Coopération pour la République Démocratique du Congo.
L’ex-Président Kabila s’empressa à mettre en place sous la direction de François Mwamba un nouveau mécanisme de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, alors qu’il existait en place un Mécanisme national de Suivi du Pacte sous supervision d’un Secrétariat du Mécanisme Régional de Suivi dirigé par le Prof. Ntumba Luaba.
Ce Mécanisme Régional continue à fonctionner après le Secrétaire Exécutif prof Ntumba Luaba, d’abord sous la direction de Monsieur Mubiri Muita Zachary et aujourd’hui dirigé par l’angolais Samuel Kahol Joao en mission actuellement à Kinshasa. (Ndlr : En Juin 2022).
Conclusion
Le Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le développement dans lanRégion des Grands Lacs reste le seul Traité valable et la République Démocratique du Congo a tout l’avantage d’y faire recours, notamment en convoquant un sommet extraordinaire en vertu du point D de l’article 5 portant sur le protocole de non-agression et de défense mutuelle au cas avéré du soutien du Rwanda au mouvement M23 sur le territoire congolais.
Le Mécanisme de suivi de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba est un simulacre-trouble qui ne sert qu’à entretenir une confusion avec le Mécanisme National et Régional du Pacte.
Il faudrait éviter toute ambigüité dans la recherche d’une solution définitive avec un M23 au service d’intérêts des officiers et hommes politiques étrangers dissimulés en RDC et en intelligence avec l’Etranger.
Banyaku Luape Epotu
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