Aussi loin que nous pouvons nous replonger dans l’histoire, nous nous souvenons que tout petit d’une petite école d’une petite cité qui s’arrêtait en quatrième primaire « Ecole Saint Bernard » et son directeur emblématique « Maurice Mbikila », nous ne voyions qu’une entreprise, la Société Congolo-Italienne de Raffinage, SOCIR en sigle, mammouth industriel à quelques 12 Kms sur le site du village « Kinimi », attenant à cet autre «Kifuku», suivi de «Kinsongo », « Kingalasa ».
Nous nous souvenons aussi de la SOCOREP, petite société congolaise de recherche et d’exploitation pétrolière dont les installations étaient à moins d’un kilomètre de la station Regideso-Snel sur la route menant vers la frontière congolo-cabindaise de Yema, passant par la petite bourgade Kimbanguiste « Yondika » qui ouvrait sur Muanda-Village et au-delà, vers Nsiamfumu alors Vista.
Nous nous souvenons sans nul doute aussi de cette entreprise de construction Rwinga filiale de DVV, Dumont Van der Ven qui eut la charge de tracer et d’ouvrir la route qui devait mener vers l’usine pétrolière SOCIR, la nouvelle société reconnaissable par ses citernes et sa cheminée où trônaient l’inamovible Directeur Général Tambwe et son adjoint Olenga Bokwa.
Sans omettre ce chimiste rwandais, aussi élancé sinon plus que le Président Kagame et qui forçait l’admiration des jeunes gscomiens (Ndlr : ainsi appelés ces jeunes élèves fréquentant le Groupe Scolaire de la Côte de Muanda) que nous étions tant par sa taille que par son érudition.
Nous nous souvenons au passage de cette autre petite entreprise baptisée COGEMA dotée d’à peine quelques ateliers mécaniques et d’une menuiserie.
Muanda-Cité, c’est aussi le camp militaire Ceki, le Centre d’Entrainement de Kitona devenu Baki, la base de Kitona et son chef d’alors, le colonel Basuki.
La petite bourgade jadis Moanda avec « O » était entourée des quartiers Kinsiaku, Mamputu, Pika-Pende, Camp (des)Réfugiés, Lupangu ya ba ngombe, entendez la ferme aux vaches avoisinant
«Cinq Maisons» près du petit Hôtel-bar Makidi; le centre commercial « Ville » avec une charcuterie célèbre et ses magasins; la grande école jadis Athénée Officielle Royale de Muanda, Athom en sigle devenue GSCOM, le groupe scolaire de la côte Muanda avec un célèbre prof d’anglais, Monsieur Swing.
Plus loin un couvent des sœurs jouxtant le grand hôpital de Muanda et l’Ecole primaire Saint Louis resté célèbre par son directeur, le nommé Théophile Nsavu-a-Nzuau, école qu’entourent des manguiers de toutes sortes dont la célèbre mangue appelée « Boudou Boudou » aussi grosse qu’une papaye.
L’école à un jet de pierre de la plage Tonde, du nom de ce petit fleuve qui par intermittence, pour cause de marée basse ou de marrée haute pouvait être traversée à pieds secs, rappelant le passage des fils d’Israël de la Mer rouge.
Muanda, c’est aussi Banana avec ce petit port à l’embouchure du fleuve Congo découverte au quinzième siècle par l’explorateur portugais Diego Câo ou l’on voit les eaux venues du Lualaba lointain se déverser dans l’océan atlantique par un terrible débit fait d’un jeu des crues et des couleurs dont seul Dieu connaît le secret.
Banana, c’est aussi cette division navale, ces yachts, « La Pointe » qui ici est le dernier banc de sable avec en son sein la célèbre prison de Bula Mbemba.
Mais Muanda, c’est surtout et avant tout l’Océan Atlantique, joyau et bijou naturel où le touriste peut à loisir admirer l’horizon lointain où le ciel touche la terre à s’y perdre à vue d’œil.
Une mer remplie des poissons d’espèces innommables dont certains à taille humaine, des tortues marines ici « espèces protégées » et ces crabes aux pinces prêtes à vous couper les doigts.
Une mer qui cohabite avec un fleuve, « le fleuve Congo » -Ebale ya ZaIre-que les habitants appellent « Nzadi » tout aussi poissonneux mais d’où l’on peut obtenir des célèbres « Kosa Kosa » et autres coquilles sous-marines que les côtiers appellent «bibwatshi », sans omettre ces « masumpu », poissons fumés ondulés sur des supports en tiges qui les traversent devenus un patrimoine que l’on exige entre autres pactoles lors de la dot avant le mariage.
Muanda, c’est aussi ces parc marins des Mangroves aux racines arc-boutées, lieu de prédilection pour des crabes en vadrouille.
« Ville côtière et pétrolière la plus pauvre du monde »
Paradoxalement cette image paradisiaque et idyllique contraste avec un statut de Ville côtière et pétrolière la plus pauvre du monde, selon une description faite par le gouverneur de province du Kongo Central Jacques Mbadu Nsitu dans un speech circonstancié samedi 23 juillet 2016 en présence du Chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange à l’occasion de l’inauguration de l’Hôtel cinq étoiles LE BEVIOUR à l’initiative de l’honorable Zoë Kabila.
Une infrastructure qui nait des cendres de l’ex-hôtel Mangrove qui rappelle ce lieu où venaient jadis par centaines voire par milliers, des touristes qui envahissaient les plages de Tonde et de la Ville près de ce qui fut jadis les installations de l’ex Banque du Peuple.
L’hôtel Mangrove détruit lors des tristes pillages de 1991 et qui était devenu le lieu d’hébergement et d’habitation des prétendus libérateurs « Kadogos » Afdl en 1997, ce conglomérat d’aventuriers affairistes selon son Spokesman et Leader autoproclamé Laurent-Désiré Kabila. Paix à Lui.
Malheureusement depuis près de soixante ans, il a toujours été affirmé que serait érigé à Muanda, un port en eaux profondes, couplé à une route-rail de Kinshasa-Muanda et l’asphaltage de la route Boma-Muanda longue d’à peine 100 Kms.
C’est dire que toutes les promesses sont restées lettres mortes, classées dans le registre des vœux pieux de la République car ni port en eaux profondes, ni route asphaltée Boma-Muanda, ni route rail n’ont jusqu’ici connu un début d’exécution. Et lorsqu’on y ajoute les promesses de construction d’un Stade omnisport et les vols réguliers des lignes aériennes de la new Congo Airways, le chapelet des bonnes intentions devient long, et même très long.
Pour vrai, tant dans les structures étatiques centrales que provinciales, Muanda reste la grande oubliée de la République qui depuis soixante ans, après son fils Nguvulu fait Ambassadeur en Chine, n’aura eu aucun Ministre dans le gouvernement central et provincial. A peine a-t-il eu un Directeur de province et à ce jour, un Président de l’Assemblée provinciale du Kongo Central, l’honorable Léonard Nsimba Nzungila qui pour certaines langues mal disantes, serait loin d’imprimer ses marques.
A l’Assemblée Nationale, c’est à peine que l’on entend la voix du député national de l’ARC, l’honorable Jean-Marie Mulatu Puati ou celle de l’UDPS, l’honorable Emmanuel Mbuela Yimbu, élus de Muanda plutôt aphones qui semblent ne se préoccuper des voix des ressortissants de leur patelin que lorsqu’il s’agit des joutes électorales et de leurs intérêts sordides égoïstes.
Les députés provinciaux de Muanda jouent tous aux invités absents de grands enjeux lorsque ceux-ci touchent aux intérêts de leur terroir.
A la haute direction de la SOCIR, c’est à peine qu’on retrouve un «Administrateur» autochtone en la personne de l’économiste et diplômé des Hautes Etudes pétrolières Boniface Vela Buabua.
Tandis que le Directeur de cabinet adjoint en charge des questions économiques qui oeuvre au cabinet du Premier Ministre Matata Ponyo, le Professeur Vincent Ngonga Nzinga est l’une des rares personnalités à faire honneur aux ressortissants de Muanda.
L’Abbé Olivier Ndjimbi Tshiende, Philosophe natif du coin, est devenu célèbre en Allemagne où il officie dans une paroisse pour sa lutte en faveur des migrants qu’il défend et non pour les intérêts de ses pairs de Muanda.
Docteur Pierre Mavuemba se bat becs et ongles pour maintenir le cap de l’Institut Supérieur de Pêche et de Pétrole.
Il eut donc fallu qu’il y eût un fils du Katanga, de lointaines rives du Tanganyika l’honorable Zoë Kabila pour voir enfin une structure hôtelière cinq étoiles germer du sol salé et sablonneux de la côte Muanda. Honte aux miens et Honneur à Toi Honorable et chapeau.
Pourtant, et c’est le paradoxe,si la province du Kongo Central est aux avants postes de la contribution au Budget de l’Etat congolais, c’est grâce au pétrole qu’exploite,exporte et commercialise la Perenco Rep sur le sol de ce territoire meurtri.
Monsieur Reza Mered, le Directeur Général de cette entreprise d’exploitation pétrolière, tout en reconnaissant l’effet inhibiteur et dévastateur de la chute du prix du baril de brut passé de 112USD le baril en juin 2014 à moins de 65 USD en décembre 2014, impactant directement sur les revenus de la société, écrivait en Editorial à « Muanda Oil Magazine »,Edition N°5 de janvier 2015 ce qui suit:
« La contribution des pétroliers producteurs que nous sommes dans le budget de l’Etat se chiffre à plus de deux milliards de dollars américains pour la période allant de 2008 à ce jour avec seulement une production de près de 25 Mille barils/Jour. »
N’est-ce pas tout dire?
Sur le plan de la desserte en énergie électrique, Muanda l’oubliée de la République,à moins de 200 km du barrage hydro électrique d’Inga est un vaste trou noir où les gens dorment à 19 heures faute de courant tandis que sur le plan de la fourniture en eau, la majorité silencieuse s’alimente, ô paradoxe, au moyen des puits d’eau privés, et assiste impuissante, au dépérissement de sa production agricole, en ce compris, ses plantes d’acajous toutes disparues et ses palmiers au vin « mandjiemvo » du fait gazier, polluant tous les écosystèmes par la nappe pétrolière particulièrement volatile et toxique.
Un célèbre Ministre national des Hydrocarbures devenu multi Communicateur avait tenté de nier l’indéniable quant à ce, le Comité des Notabilités pour la défense des intérêts des autochtones se contentant des miettes que la société Perenco Rep lui alloue chaque année pourtant sans commune mesure avec ce qui lui est soutiré. N’est-ce pas révoltant?
Muanda dont le statut est celui, injuste, d’une Ville côtière et pétrolière la plus pauvre du monde qui lui colle à la peau est loin de s’en départir. A y regarder de près, cela relèverait d’une absence de volonté politique, les décideurs, depuis les temps immémoriaux ayant des raisons de la maintenir en l’état, dans le tas.
Un ancien Maire de la Ville de Boma, Joachim Khuabi avait poussé le toupet en 2005 jusqu’à prétendre que les « Bakongos ya Boma», entité culturelle socio-ethnique qui cohabite avec les Assolongo et les Woyo sur le Territoire de Muanda avec ses trois Collectivités-Assolongo,La Mer et Boma Bungu-seraient venus des lointains marchés arabes d’esclaves de Zanzibar avec le célèbre Tipo Tipo. Quel culot?
Notre appel est que les choses changent, lassés que nous sommes des slogans creux et des promesses sans lendemain.
«On ne développe pas. On se développe», disait si bien Joseph Ki-Zerbo, tant « il n’y a des richesses que d’hommes ».
Reste pour nous le devoir citoyen pour faire prendre conscience aux nôtres de la responsabilité qui leur incombe face à une situation de marginalisation et de paupérisation qui n’aura que trop duré.
Prions les mânes de nos ancêtres et les âmes des martyrs oubliés que sont ces dizaines des morts enterrés dans des fosses communes au cimetière de Ntombe Mbeleka, victimes innocentes en 2007 des massacres génocidaires à l’endroit des « Makesa », ces adeptes de Bundu dia Kongo à la solde d’un gourou illuminati en mal de lumière Ne Muanda Nsemi.
Puissent également les génies des eaux du fleuve, de la mer et des baobabs se lever de leurs tanières; et les masques fétiches «Nunga Nunga» chers aux (Ba)-Woyo sortir de leur trop long sommeil. Assez regardé.
Puissions-nous à jamais nous lever pour que nos riches côtes, nos terres et notre pétrole nous profitent en priorité, avant de devenir la manne nourricière de la République démocratiquement décentralisée mais « ingrate » à plus d’un titre.
Et Muanda sera sauvée.
Foi en des lendemains qui chantent, Espérance enchanteresse, expression de toute notre révolte. La fatalité n’est pas notre lot.
Je suis Muanda.
Eugène Ngimbi Mabedo
30 juin 2016 Facebook
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