Alias DEFAO, de son vrai nom François Matumona Lulendo est mort sur le champ de bataille arme à la main…la veille d’une production scénique qui n’aura jamais lieu, reportée à tout jamais !
Citoyen du monde comme tout artiste qui ne s’appartenait plus, et fort de ce langage universel qu’est la musique, il était devenu le porte-voix et l’ambassadeur plénipotentiaire de celle de son terroir, la rumba congolaise désormais inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Avec cet attribut particulier dont il détenait seul le secret : La danse sous toutes les coutures et formes, la « forme » entendue comme cet accoutrement d’apparat de la Sape à la suite de Strervos Niarkos et Papa Wemba ses Mentors.
Bien malin qui dira ce qu’il y aurait eu d’habits, des souliers, des bagues et autres chainettes dans sa garde-robe.
DEFAO est de ces artistes qui ne meurent jamais tant leurs œuvres résistent à l’usure et à la vacuité du temps, à l’instant mémoriel qui passe et ne revient plus.
Il est mort comme il a vécu.
C’est pour que nul n’en ignore que l’un des Patriotes du terroir qui l’a connu et fréquenté s’offre à nouveau à cet exercice difficile qui consiste à parler de ceux qui nous quittent, souvent sans crier gare, au moment où on s’y attend le moins.
Dans ce monde allégorique de la caverne platonique et des muses où il est difficile de traduire le très fonds de l’âme de nos poètes qui entendent et parlent aux dieux et en leurs noms, Docteur Pierre Anatole Matusila Malungeni Ne Kongo s’est prêté à l’exercice.
Afin que l’histoire retienne et se souvienne.
Elan d’une Elégie patriarcale qui immortalise le fils qui a œuvré au triomphe du Beau, du Vrai, du Bon, du Bien !
Adieu L’ Artiste…
MOT DE CIRCONSTANCE A L’OCCASION DES FUNERAILLES DE MONSIEUR MATUMONA LULENDO FRANCOIS (DEFAO)
(Prononcé par l’honorable Pierre Anatole MATUSILA MALUNGENI Ne KONGO)
Honorables,
Excellences,
Chers membres de la famille de Monsieur François MATUMONA LULENDO,
Chers frères et sœurs,
C’est avec une profonde affliction que nous avons appris le décès de monsieur MATUMONA LULENDO François mieux connu sous le pseudonyme de DEFAO.
Au début nous avons cru juste à une rumeur ou à une intox, comme les réseaux sociaux en produisent continuellement, d’autant plus que cette rumeur n’aurait pas été la première sur le décès de ce grand artiste congolais. Ce que nous prenions pour une rumeur va malheureusement se confirmer puisque l’information deviendra officielle, plongeant la grande famille des mélomanes dans une grande tristesse.
François MATUMONA LULENDO alias DEFAO nous quitte à tort juste 62 ans alors que son immense talent avait encore tant d’œuvres à nous servir. Il a rejoint ses illustres Frères et Sœurs qui ont fait la fierté de tout le peuple Kongo pour avoir œuvré avec excellence ou rayonnement de la musique sur la scène africaine et mondiale, je pense à ses aînés François LUAMBO MAKIADI dit Franco, Daliens NTESA, Simon LUTUMBA dit Simaro, Josky KIAMBUTUKA… , à ses Sœurs MPONGO Love, Marie MISAMU et tant d’autres…
Oui, François MATUMONA LULENDO DEFAO a fait et fera toujours la fierté de sa communauté d’origine, la communauté KONGO pour trois raisons :
La première raison est sans aucun doute pour l’immensité de son talent de musicien complet : un légendaire danseur (probablement le plus grand de la musique congolaise moderne), un grand chanteur-compositeur et un des ténors de l’élégance vestimentaire. En 40 ans de carrière, il a été un grand et digne ambassadeur de la musique congolaise moderne, en Afrique et même dans le monde, remplissant des stades dans plusieurs pays africains et glanant au passage de nombreux trophées. Il est incontestablement l’une des icônes de la musique congolaise moderne.
La deuxième raison de notre fierté est que tout au long de cette riche carrière musicale couronnée de tout succès, François MATUMONA LULENDO DEFAO a plusieurs fois été plébiscité ici au Congo meilleure vedette musicale et meilleur danseur ; a toujours vécu les valeurs fondamentales de la culture Kongo, particulièrement l’humilité, le respect des autres, le sens de la famille, une attitude qui recherche en toutes circonstances l’entente et la paix avec les autres notamment ses collègues musiciens et un profond attachement à son sol. Il a vraiment incarné le BUKONGO, l’être Kongo dans les valeurs qui le caractérisent.
En effet, à propos de son humilité, en dépit de son succès, DEFAO n’avait jamais cédé à l’autoglorification dans ses chansons ou dans les medias, comme c’est souvent le cas chez nous. Il vivait ses succès avec beaucoup de modestie.
Le profond respect des autres et son humilité expliquent qu’il n’avait jamais été en conflit avec un autre musicien congolais. On lui cherche un concurrent, un adversaire, un ennemi et on ne le trouve pas ; ce qui en soit relève de l’héroïsme dans un monde où le conflit est véritablement un mode d’être.
DEFAO était un exemple de la solidarité, de l’amour et du partage. De certains pays d’Afrique où il brillait de mille feux, fait très rare dans ce monde des artistes, il produisait et faisait produire les artistes restés au pays.
Il avait un tel sens de la famille qu’il s’était pleinement investi pour la promotion de sa famille et il avait un tel respect de ses parents qu’il requit l’autorisation de son frère avant d’entamer sa carrière dans l’orchestre Grand ZAÏKO WAWA en 1981 et il sollicita cette même autorisation avant de rejoindre le groupe CHOC STARS en 1984.
Enfin, il était tellement attaché au sol qu’il ne s’est pas limité à sillonner la RD Congo, l’Afrique et le monde pour partager son art ; il a aussi parcouru toute sa province d’origine pour apporter la joie à ses frères et sœurs, allant jusqu’à des recoins ou un musicien de sa renommée n’aurait jamais envisagé d’aller. On l’a par exemple vu en 2019 braver les souffrances sur une route totalement détériorée pour aller communier avec ses frères et sœurs de la cité de LUOZI ! Seul l’amour de sa communauté pouvait expliquer un tel sacrifice. Il faut également souligner qu’il était toujours fier de parler sa langue kikongo chaque fois qu’il en avait l’occasion, particulièrement quand il était parmi les siens. Il était vraiment l’inverse de son post-nom « LULENDO »
Pour cela, il mérite de reposer sur la terre Kongo afin de fusionner son esprit à ceux de nos aïeux pour engendrer d’autres DEFAO.
Patriote, DEFAO est revenu une première fois au pays pour chanter et soutenir le « franc congolais », la monnaie (nationale ; une seconde fois, il a offert sa voix pour réarmer moralement notre peuple face à l’agression extérieure contre notre pays.
La dernière raison, consécutive du reste à la deuxième est la valeur hautement éducative de ses chansons. Toutes les chansons de François MATUMONA étaient riches d’enseignements ; elles véhiculaient toujours une leçon : à titre d’exemple la fidélité au premier amour dans « Amour scolaire » ; la gratuité de l’amour et le rejet d’un amour fondé sur l’intérêt ou le profit dans « Hitaché », le sens du devoir conjugal dans « Papa ayé », le sens d’un amour responsable dans « Copinage », l’audace d’entreprendre et la valeur du travail dans « Agence courage » et même une profonde dévotion mariale dans « Santu Maria ».
Ce souci d’éduquer par la chanson explique aussi sans doute l’absence de paroles ou cris obscènes dans ses chansons. Il poussait toujours dans un registre artistique acceptable pour toutes les couches sociales. Ce qui fait de lui une véritable exception dans une société où obscénités et musiques vont presque toujours de pair.
Il était ainsi convaincu que la musique, cet art considéré dans notre société comme le refuge des rebuts et délinquants et dont on a longtemps dit qu’il s’était transformé en un opium, une arme de destruction massive face au défis et aux urgences de la libération et d’une destinée voulue et pensée pouvait constituer un canal de transmission des valeurs morales et sociales, socles d’une société bien ordonnée.
On ne donne que ce qu’on est et on n’est que ce qu’on a vécu dans son milieu familial et son environnement social. François MATUMONA LULENDO DEFAO a vécu et véhiculé par son art ces valeurs cultivées dans sa famille et dans son environnement socio-culturel, recherchant un beau qui soit véritablement la splendeur du bien et du vrai.
Cher François MATUMONA LULENDO DEFAO, en ce moment où nous te rendons les derniers hommages, nous, tes frères et sœurs de la communauté Kongo dont tu as été un des fils et un précieux don à la nation congolaise et à l’Afrique, voulons te dire combien nous sommes fiers de toi, de ta vie et de ton œuvre qui restera à jamais gravée dans le riche patrimoine culturel de la République Démocratique du Congo, de l’Afrique et de l’humanité.
Tu avais reçu des talents, tu les as fructifiés pour apporter la joie à tes frères et sœurs et pour les édifier par tes conseils et ton témoignage de vie. Tu as été un serviteur bon et fidèle.
Puisses-tu désormais communier à la joie du Maître aux côtés de nos véritables ancêtres qui ont, comme toi œuvré au triomphe du Beau, du Vrai et du Bien.
Je vous remercie
(22/01/2022)