« Et ce scandale autour de la publicité Vodacom ? Des hommes d’Etat se sont rués sur ce dossier sans réserve pour des raisons évidentes. Aujourd’hui, ils s’organisent pour projeter leurs propres turpitudes sur nous et notre nom » (Loka Ne Kongo au cours de la remise et reprise avec son successeur David Nku Imbie).
Le prof. Loka Ne Kongo n’a été que la victime expiatoire des hommes d’Etat aux mœurs légères qui, évitant d’être éclaboussés par une affaire des pylônes et des panneaux publicitaires où ils n’ont pas eu les mains propres, ont donc choisi de couler un innocent.
Peut-être qu’en sacrifiant le prof. Loka Ne Kongo et ses adjoints, c’est le Directeur de cabinet du Chef de l’Etat le prof. Théophile Mbemba et à terme le Chef de l’Etat lui-même que l’on vise.
Car on ne peut comprendre que l’on puisse virer un honnête congolais aux fins de satisfaire et de protéger des ministres véreux.
Dans tous les cas de figure, un mauvais calcul politique peut être lourd des conséquences. Mieux vaut tard que jamais : ceux qui ont été injustement sacrifiés méritent d’être réhabilités. Moralement et politiquement s’entend.
« La Une » de L’INTERMEDIAIRE N°41 DU 28 JUIN AU 05 JUILLET 2002
Le Prof Loka ne Kongo : le bouc émissaire
Les habitudes prédatrices ont ceci de nuisible qu’elles ont la peau dure. Les hommes d’Etat n’œuvrent nullement dans notre pays pour la construction ou la reconstruction du pays. Leur objectif est connu d’emblée : l’enrichissement sans cause et rapide. Le Prof. Loka ne Kongo l’aura appris à ses dépens. Ce professeur d’université, doublé de politologue et de politique éprouvé, historien de son état, gestionnaire avisé d’institutions aussi bruyantes que les instituts d’enseignement universitaire, ancien ministre de l’Education nationale dans le cabinet d’Etienne Tshisekedi, moulu à la pensée et à la pragmatique d’homme probe qu’était le tout premier président congolais Joseph Kasa-Vubu, Loka ne Kongo ne pouvait survivre à l’environnement immonde des prédateurs véreux de la deuxième République, la fameuse deuxième République n’ayant jamais dit son dernier mot, car tous les mêmes.
Le professeur Loka ne Kongo ne pouvait survivre à un système où l’on vient, non pas pour gérer, mais pour piller. Au point que même lorsque des ministres trempent dans des détournements spectaculaires, ils poussent le toupet jusqu’à trouver, en des patriotes patentés leurs boucs émissaires. Nul doute que le prof. Loka ne Kongo a pris le coup avec de la hauteur du détachement et un brin de mépris.
A la remise-reprise du 9 juin 2002, il a dit sans détour devant son successeur : « Et ce scandale autour de la publicité Vodacom ! Des hommes d’Etat se sont rués sur ce dossier sans retenue pour des raisons évidentes. Aujourd’hui, ils s’organisent pour projeter leurs propres turpitudes sur nous et pour jeter de l’opprobre sur notre noble nom. Dans tous les cas, avec les maquettes qui se trouvent dans les couloirs qui sont le fruit de nos cogitations, Kinshasa verra très bientôt surgir des ronds-points de charme. C’est notre signature ».
Dossier sale que celui de Vodacom et de sa campagne publicitaire à l’américaine. Enquête faite, il nous revient que deux éminents ministres, et pas des moindres, ont bel et bien trempé dans les détournements de la manne publicitaire de Vodacom. Il s’agit, vous en doutez, du ministre de l’Intérieur Myra Ndjoku et du ministre des Travaux publics, Aménagement du Territoire, Polycarpe Nkondi Mbaki qui ont cru que l’aménagement des ronds-points, l’exploitation de la publicité Vodacom sur les endroits publics de la capitale et les stades étaient du ressort, non de l’Hôtel de ville, mais de leurs ministères respectifs. Le ministre Nkondi Mbaki bénéficiera au passage, lorsqu’éclate le scandale, de la protection de son ancien étudiant en faculté de Polytechnique à l’Unikin devenu un mégaministre, l’ingénieur Katumba Mwanke.
Sentant le vent venir face à leur cupidité démasquée, ceux-ci vont projeter leurs propres turpitudes sur le professeur Loka ne Kongo, un homme probe et intègre. A qui on aurait seulement voulu confier une tâche, la seule, à savoir « qu’il gardât silence et qu’il se tût ». Le général-major Joseph Kabila devra initier dans les meilleurs délais une enquête sur la publicité Vodacom et sanctionner tous ceux qui auront trempé dans ce dossier impétueux et salissant. Les Accords-cadres, les Accords globaux, les donations de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international ne changeront rien si la mentalité congolaise ne change pas. C’en est trop de ces pays où des ministres, usant de leur position deviennent scandaleusement riches en l’espace d’un matin. Il n’est pas admissible que des ministres qui sont les plus proches collaborateurs du Chef de l’Etat trempent dans des dossiers aussi sales que celui du détournement de la manne publicitaire d’une société de téléphonie mobile comme c’est le cas avec Vodacom.
L’INTERMEDIAIRE, après enquête, tient à porter à la connaissance du Chef de l’Etat, de l’opinion publique les éléments de preuve où des ministres, au sommet de l’Etat, ont tenté de jouer aux protecteurs et aux complices, en sacrifiant des boucs émissaires que sont Samuel Loka ne Kongo, Godard Motemona Gibolum et Mme la vice-gouverneur chargée des questions économiques Liziève Itela. La bonne foi du Chef de l’Etat ayant été dupée, sur le plan moral, ils méritent d’être réhabilités, car l’honneur n’a pas de prix.
HOTEL DE VILLE : LA VERITE
Le professeur Loka ne Kongo n’aura eu que quelques cinq mois à l’Hôtel de ville. Et son limogeage intervient juste au moment où il amorçait, lentement mais surement, un train de mesures salutaires qui commençaient pourtant à porter du fruit. Au grand dam de ceux qui craignaient que les réformes entreprises soient un frein à leur volonté prédatrice.
En septembre 2001, au cours d’un Conseil des ministres tenu par le général-major Kabila, et compte tenu de la modicité des moyens dont disposait l’Hôtel de ville pour faire face à des nombreux défis, il fut décidé d’y allouer un budget de 13.000.000$USD(Treize millions de dollars américains).
En décembre 2001, il sera alloué sur les 13 millions de dollars Us, un acompte de 400.000 $Us (Quatre cents mille dollars). Lorsque le prof. Loka arrive à l’Hôtel de ville, il reste le solde de 12.600.000$Us (Douze millions six cents mille dollars américains) que le gouvernement doit encore allouer à l’Hôtel de ville. Durant près de Cinq mois où il est resté à la tête de l’Hôtel de ville, le gouverneur Loka ne Kongo n’a vu atterrir aucun rond du gouvernement en dépit des promesses fermes qui lui étaient faites à sa nomination.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le professeur Loka ne Kongo ne s’est pas laissé abattre. Et le dossier Vodacom n’a pas été sa grande priorité. Car, dans la ville de Kinshasa, il y a plus urgent à faire que l’implantation des panneaux publicitaires. Il a choisi de travailler sur base des fonds propres. Usant de ses relations avec les milieux d’affaires et diplomatiques, il a su, peu à peu, réunir quelques moyens qui lui ont permis de relancer certains travaux dont le réaménagement de l’avenue Luambo Makiadi, la route Ndjili-Kimbanseke, l’entrée de la Foire à Lemba, le rond-point Ngaba, la 7ième et 14ième rues à Limete, la route des Poids Lourds, l’avenue de l’Université…
L’évacuation des immondices dans la ville-poubelle de Kinshasa qui exige des moyens colossaux aura été l’une des taches prioritaires du gouverneur Loka qui s’y est attelé sans désemparer avec des fonds générés par son intelligence et son sens élevé de patriotisme au service de la nation.
Le hic aura sans doute été sa volonté de refreiner l’évasion fiscale scandaleuse ainsi que l’hémorragie financière à l’Hôtel de ville, ce, par une réforme drastique du système de perception.
Avec la clé, l’installation d’une succursale de la Banque internationale de crédit à l’Hôtel de ville. Deux protocoles d’accord seront signés entre l’Hôtel de ville et l’Association des Chauffeurs du Congo et leur coopérative d’épargne et de crédit pour la taxe de parking.
Le professeur Loka ne Kongo entendait également réorganiser les marchés municipaux et urbains. Sur le plan de l’assainissement social, le prof. Loka s’apprêtait à initier un atelier devant réfléchir sur les contours d’une thérapeutique sociale autour du phénomène « Shegués » devenu une calamité dans la capitale. Mais hélas, le coup de semonce des pêcheurs en eaux troubles aura eu raison de sa volonté… de bien-faire.
Il ne pouvait aller au bout de toutes ces réformes. Il a sans doute balisé la voie pour que ceux qui lui succèdent aient la tache moins rude en cette période propice de saison sèche. Des opérations laissées en état, mais qui étaient en voie d’être lancées. Et la vérité est là : « Plusieurs de ces actions ont provoqué la colère de ceux qui vivent gracieusement sur le dos des fonds de l’Etat. On comprend alors certaines réactions ».
On ne peut être plus clair. Et le prof. Loka de renchérir : « Mais, ces opérations constituent pour nous hier, et pour vous aujourd’hui, (Ndlr : ses successeurs), des atouts majeurs pour la reconstruction de la ville. Il se présente pour vous un autre atout majeur, à savoir : nos cris de détresse ont été enfin entendus, juste au moment où nous quittons l’Hôtel de ville, le gouvernement accepte enfin de courir au secours de la mairie de Kinshasa, nous avons la conviction d’avoir servi la ville et la population congolaise de Kinshasa avec intelligence, dévouement et conscience. Il s’est posé une question de méthode d’approche. Nous avons choisi, tout en travaillant sur le terrain dans des conditions d’austérité, de jeter les bases de la véritable reconstruction. Nous considérons que c’est l’essentiel. Pour terminer, je tiens à renouveler mes remerciements et toute ma confiance à Son Excellence Monsieur le Président de la République. A tous les amis, présents et absents, qui nous ont accompagnés dans cette entreprise de la reconstruction de la ville de Kinshasa, nous disons merci ».
DES LECONS A TIRER
Comme on le voit, le prof. Loka ne Kongo n’a été que la victime expiatoire des hommes d’Etat aux mœurs légères qui, évitant d’être éclaboussés par une sacrée affaire des pylônes et des panneaux publicitaires où ils n’ont pas eu les mains propres, ont donc choisi de couler un innocent, des innocents. « Innocent moweyi », disait Bana Kin !
Au prof. « Ne Kongo », on a choisi de substituer le docteur Nku Imbie de « Teke Humbu ». Est-il besoin de rappeler que la base de la population de Kinshasa est constituée majoritairement des ressortissants du Bas-Congo et de ceux du Bandundu? Et que les Teke-Humbu, certes les natifs « naturels » de Kinshasa, mais n’en constituent pas la donne majoritaire ?
Feu le président Laurent Désiré Kabila avait été « coulé » par des collaborateurs véreux, préoccupés par des intérêts personnels et sordides sans liens avec l’intérêt supérieur de la nation. Que gagne le camp du chef de l’Etat en sacrifiant quelques-uns des membres fondateurs du PPRD au moment où le pays négocie l’important virage de la mise en application de l’Accord de Sun City ?
Peut-être qu’en sacrifiant le prof. Loka ne Kongo et ses adjoints, c’est le directeur de cabinet, le prof. Théophile Mbemba et à terme, le chef de l’Etat lui-même que l’on vise. Car, on ne peut comprendre que l’on puisse virer un honnête Congolais aux fins de satisfaire et de protéger des ministres véreux. Cela est un discrédit et un recul.
Dans tous les cas de figure, un mauvais calcul politique peut être lourd des conséquences. Mieux vaut tard que jamais : ceux qui ont été injustement disqualifiés méritent d’être réhabilités. Moralement et politiquement s’entend.
Eugène Ngimbi Mabedo
Tiré de L’INTERMEDIAIRE N°41 DU 28 JUIN AU 05 JUILLET 2002, pp3-4